Service public hospitalier : vers une obligation de surveillance accrue des personnes fragiles ?
La responsabilité des acteurs du service public hospitalier est souvent recherchée en raison de carences dans les soins, d’erreurs de diagnostic ou d’erreurs chirurgicales. Il ne faut néanmoins pas perdre de vue que les centres hospitaliers publics (tout comme d’ailleurs les établissements privés) sont également tenus à une obligation de surveillance des patients. Cela est particulièrement vrai quand ces derniers présentent une extrême fragilité.
C’est ce que vient de rappeler le Conseil d’État dans une décision du 18 juin 2018.
Dans cette affaire, une adolescente avait été admise au Centre hospitalier de Caen quelques jours après une tentative de suicide. Peu de jours après son admission elle avait réussi à échapper à la vigilance du personnel médical et avait pris la fuite afin de se jeter dans les fosses du château de Caen.
A la suite d’une chute d’environ quinze mètres la jeune femme s’est retrouvée paraplégique. Les parents de l’adolescente ont recherché la responsabilité de l’hôpital en considérant qu’un défaut de surveillance fautif lui était imputable.
Les demandes indemnitaires furent rejetées en première instance et en appel. Saisi de l’affaire, le Conseil d’État a censuré la solution des juges du fond, estimant qu’un défaut de surveillance était effectivement caractérisé compte tenu de l’âge, et de l’état psychique de la patiente.
La Haute juridiction administrative relève en effet que l’adolescente avait été admise dans un état psychiatrique particulièrement préoccupant, que le médecin la suivant avait prescrit la plus grande vigilance dans le suivi en imposant notamment qu’elle reste en pyjama sauf pour participer aux activités thérapeutiques.
Le juge de cassation relève également que ses habits « de ville » ne lui avaient pas été retirés alors qu’elle avait refusé de se rendre aux activités, ce qui a facilité sa fugue, et qu’elle avait pu passer sans encombre devant les vigiles. Autant de carences qui justifient l’engagement de la responsabilité du centre hospitalier.
Clairement, pour le Conseil d’État, il existe donc une obligation de surveillance, laquelle se trouve renforcée quand l’état du patient requiert un soin tout particulier.
➢ Conseil d’État, 18 juin 2018, n°411049