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Les juges du fonds face à la notion de transparenlité : le recours à la notion de « parent biologique »

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Si ces dernières années la course infernale aux progrès de la science a conduit les juridictions françaises, et européennes, à des réflexions éthiques particulièrement délicates compte tenu de l’impact politique qu’elles induisent, particulièrement les questions de mariage pour les couples de même sexe, PMA, GPA, transexualisme, ou encore de coparentalité. Ces nouveaux défis, qui traduisent incidemment le bouleversement de nos schémas familiaux au sein de nos sociétés européennes, et occidentales,  la Cour de Cassation a eu à les relever, non sans mal.  Malgré le concours d’un arsenal législatif parfois vieillissant et inadapté, puisant ici et là au sein d’instruments supranationaux, la Cour de Cassation a pourtant réussi à trouver des solutions pour chacun, et poussant ainsi  à s’interroger toujours plus sur le statut de la « mère d’intention ».

Une nouvelle affaire portée devant les Juges de la Cour d’Appel de Montpellier, passée relativement inaperçue, devrait pourtant ouvrir la porte à de nouvelles réflexions sur la nécessité du recours à une « troisième voie », celle de la transparentalité.

En effet, les juges du fonds ont été invités à officialiser la spécificité de la filiation biologique du parent transsexuel qui a conservé ses organes génitaux masculins pour concevoir un enfant avec son épouse, après son changement de sexe.

Saisie de la question de la qualification d’une telle filiation (maternelle ou paternelle), la cour a été contrainte de recourir à une notion de filiation « neutre », celle de « parent biologique ».

En l’espèce, les juges du fond étaient saisis d’une affaire concernant un couple marié qui, déjà parents de deux enfants nés en 2000 et 2004, accueillaient un troisième enfant en 2014, alors que le mari avait obtenu en 2011 le changement de la mention de son sexe à l’état civil. Ce dernier, en devenant femme, avait en effet souhaité conserver la fonctionnalité de ses organes génitaux masculins.

Avant la naissance de son troisième enfant, le couple avait pris soin d’établir – pour Monsieur devenu Madame – devant notaire une « reconnaissance prénatale de nature maternelle, non gestatrice ». En agissant ainsi, le couple souhaitait ne pas remettre en cause, malgré l’évidence biologique, le changement de sexe opéré, mais cela revenait à reconnaitre deux filiations maternelles pour cet enfant, ce qui est interdit par la loi.

Cela lui a donc été refusé par l’officier d’état civil agissant sur instructions du Procureur. On se trouvait alors face à une énigme sans réponse, et une vraie contradiction légale plus qu’à un réel vide juridique, celle d’un texte interdisant la reconnaissance de deux filiations maternelles face à celle de la reconnaissance juridique de l’identité féminine de cette personne qui avait eu un enfant par voie naturelle avec une autre femme, en l’espèce son épouse depuis 15 ans.

Dans l’intérêt de l’enfant – que certains commentateurs ont pu désigner comme les « grands oubliés de la loi sur le changement de sexe » –  la Cour d’Appel de Montpellier saisie de la question a été contrainte de trouver une solution juridiquement satisfaisante à une situation particulière, et a donc opté pour une solution de neutralité. Insatisfaite de la fragmentation du lien biologique maternel entre « maternité gestatrice » et « maternité non gestatrice », elle crée ce que beaucoup désignent aujourd’hui comme une « troisième voie »: la notion de « parent biologique ». Il est rappelé que la réalité du lien biologique n’était effectivement pas contestée.

Ainsi, les juges du fonds contournent le problème de la transcription sur les registres de l’état civil de la reconnaissance de maternité, en permettant la retranscription du lien biologique sur l’acte de naissance de l’enfant sous la mention : « Mme X parent biologique ».

Avec cette nouvelle affaire, de très nombreuses questions se posent, et se poseront certainement à la Cour de Cassation à l’avenir, notamment celle de l’adaptation du droit international privé à ces nouveaux défis bioéthiques, ou encore, plus concrètement, celle des incidences d’une filiation neutre sur les modes de procréation médicalement assistés  …

https://www.doctrine.fr/d/CA/Montpellier/2018/U07CEE76C45740508838A